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5 mai 2007

Hugo Chavez et les capitalistes

Le pays du « socialisme du XXIè siècle » connaît une très forte croissance depuis plus de trois ans… grâce à un secteur privé très dynamique. Paradoxe ? Non. Simple logique économique.

Le 22 mars dernier, la Fedeindustria, la Confédération patronale des petites et moyennes industries a organisé un drôle de séminaire dans l’hôtel Hilton de Caracas, au Venezuela. Financé par quelques grandes entreprises (dont la multinationale Nestlé) et rassemblant près de 230 patrons locaux, ce séminaire a donné lieu à une franche poignée de main entre Jorge Rodriguez, le vice-président du Venezuela et Perez Abad, le président de l’organisation patronale.

JORGE_RODRIGUEZ_Y_PEREZ_ABAD_1200

Il faut dire que depuis la réélection d’Hugo Chavez le 6 décembre dernier, l’époque est à la détente. Après les échecs d’une tentative de putsch, de la grande grève patronale de 2002-2003 et du référendum révocatoire de 2004, le patronat s’est beaucoup attendri. Aujourd’hui, il accepte de participer à la construction du «socialisme du XXIème siècle» cher au gouvernement vénézuélien. Le président de la Fedeindustria n’hésite pas à se dire «prêt à s’engager pour construire, au côté du gouvernement, un modèle socio-productif plus équitable et un pays plus juste». Même tonalité du côté des participants : «Que nous le voulions ou non, le pays change et les entreprises doivent s'adapter» (le Monde du 16 avril).

Ainsi malgré le socialisme et malgré la politique musclée de son président, il reste encore des patrons au Venezuela ! Non seulement le capital privé n’a pas fuit la politique d’Hugo Chavez (honni en France par les libéraux de gauche et de droite), mais ses représentants les plus éminents sont maintenant prêts à « s’adapter » à la réalité politique du pays. Mais comment cela est-il possible dans le monde mondialisé que nous le connaissons, où l’on nous promet l’excommunication de la croissance à la moindre revendication sociale ? Le Venezuela serait-il magiquement parvenu à s’extraire de cette réalité économique que l’on porte en drapeau à la Commission européenne et dans les chroniques d’Éric Le Boucher ?

Certes, le Venezuela a du pétrole. Mais c’est aussi le cas de l’Arabie Saoudite. Si l’on compare les taux de croissance des deux pays, le Venezuela fait 3 points de mieux que l’allié américain depuis deux ans (9% contre 6% en moyenne). Et cela ne change pas tellement le fond de la question : comment se fait-il qu’il y ait encore des entreprises privées et des capitaux au Venezuela alors qu’il y a tant de paradis capitalistes ailleurs dans le monde ? La concurrence et la libre circulation des capitaux ne devrait-elle pas avoir depuis longtemps rayé cette économie socialiste de la surface du globe en ne laissant que les champs de pétrole et les structures gouvernementales d’une économie administrée ?

La vérité est que, contrairement à ce qu’on entend partout, le capital et les capitalistes ne « fuient » pas aisément un pays dans lequel ils ont investi. Qu’est-ce c’est que le capital ? Ce n’est pas de l’argent qui dort sur des comptes bancaires et qu’il suffit de retirer au guichet. Ce sont des actifs physiques, des usines, des machines, des routes et des bâtiments. Les titres financiers qui circulent de part le monde n’ont aucune valeur en eux-mêmes. Ils ne valent que pour ce qu’ils représentent concrètement, c'est-à-dire les biens matériels qui servent à la production et qui créent des richesses. Or, ces biens là ne s’envolent pas.  Ils ne partent pas facilement dans un pays étranger. Mettez-vous à la place d’un capitaliste. Imaginez que vous êtes propriétaire d’une usine au Venezuela et que l’on vous commande de mieux payer vos ouvriers et de respecter leurs droits sociaux sous peine d’expropriation. Vous faites quoi ? Vous vendez votre usine ? A qui ? Vous grognez, mais vous devez bien obtempérer devant la force de la loi et le bâton de la police.

Jean-Marc Sylvestre et le Commissaire à la concurrence diraient que tout cela est bien mauvais pour l’investissement. Certes, les capitaux qui existent ne fuient peut-être pas, mais qui voudra investir et créer de nouvelles richesses dans un pays où la liberté de l’entrepreneur est bafouée ? C’est là qu’intervient la conférence de l’hôtel Hilton. Un entrepreneur acceptera toujours d’investir s’il a une perspective de profit minimal à la clé. Dès lors, il suffit de garantir ce profit (même à un niveau faible) pour que les capitalistes acceptent de serrer la main du vice-président marxisant de la République Bolivarienne du Venezuela. La puissance de l’argent triomphe toujours ! Même s’il est rouge.

Lire aussi: Expérimentations socialistes au Venezuela

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