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3 décembre 2000

Ce n’était pas un congrès pour rien

Certain d’entre nous se demandaient, dimanche soir, s’ils n’avaient pas perdu leur week-end. En effet pensaient-ils, ce congrès extraordinaire était sensé déboucher sur une position claire vis-à-vis au processus de réunification en cours, et semblait, in fine, n’avoir réussi qu’à repousser le débat. A quoi bon ? Avions-nous vraiment besoin de temps ? Le débat n’avait-il pas déjà eu lieu au sein, des AGE ? Les Comités de Liaisons Paritaires n’avaient-ils pas déjà été créés ? Pourquoi demander plus de temps ? N’était-il pas temps, au contraire, de se remettre à faire du syndicalisme, d’arrêter les discussions interminables et les débats internes dont 99% des étudiants se fichent ?

Sur le coup, les militants de Paris I étaient en colère. Au niveau national, l’UNEF avait perdu un an sur cette question qui avait cristallisé les débats et cassé tout dialogue en son sein. Allions-nous continuer cette stratégie suicidaire, consacrer toute notre énergie à la création de CLP sous l’égide de l’UNEF-ID, et oublier notre travail de terrain, notre contact avec les étudiants ? Non, ce n’était pas possible de continuer dans cette voie.

Un congrès pour rien. C’était ce que pensaient beaucoup. On n’avait même pas abordé la question du renouvellement des instances nationales. Pourtant, quelques semaines auparavant, Karine n’avait pas hésité à faire une conférence de presse commune avec l’UNEF-ID, au cours de laquelle elle annonçait fièrement que la réunification allait bien se faire en décembre. Comment pouvait-elle oser dire cela avant même la tenue de notre congrès ? S’il n’y avait qu’une raison pour changer de président, c’est celle-là. Cela fait des mois que la direction nationale n’est plus en phase avec les militants. Elle consacre toute son énergie à négocier en douce une fusion organique alors que les militants sont en attente du lancement d’une véritable campagne nationale.

Alors ? Etait-ce un congrès pour rien ?

Non. Parce qu’on a eu de vrais débats. Nous qui étions au fond, on s’est fait quelques fois critiquer à la tribune pour notre soi-disant sectarisme. Même si certain d’entre nous, dimanche, étaient fatigués, nous n’avons jamais profité de la tribune pour faire des procès d’intention ou pour insulter les gens. On avait des arguments et on a exclusivement parlé de ce qu’on pensait de la réunification et du processus en cours. On n’a pas cherché à critiquer l’organisation du congrès (pourtant il y avait de quoi !) ou à se laisser entraîner dans des débats stériles ou des querelles de personnes.

A notre avis, c’est pour cette raison que les débats étaient intéressants. Et nous sommes fiers, à Paris I, d’avoir débattu sur le fond. Nos interventions étaient toutes différentes, ce qui était la preuve d’une réflexion aboutie et d’une implication individuelle et spontanée.

Au bilan, quels sont les arguments en faveur de la réunification ? Karine a commencé son discours en nous parlant d’Internet et des nouvelles technologies. C’est bien joli, mais nous ne voyons pas le rapport avec la nécessité de se réunifier avec l’UNEF-ID. Certes, le monde change, mais faut pas nous prendre pour des cons.

Réflexion faite, nous n’avons entendu qu’un seul argument véritable en faveur de la réunification. Celui sur la création d’un pôle syndical unique, pourvu d’une importante légitimité, en vue de mieux s’imposer face aux instances gouvernementales et universitaires. Si nous avions été persuadés de la justesse de cet argument et de l’utilité de la fusions des syndicats étudiants en une organisation unique, nous aurions été les premiers à l’applaudire. Or, nous avons montré, au cours des débats, tous les dangers que pouvait avoir une telle réorganisation du syndicalisme étudiant.

Tout d’abord, la logique qui sous-tend cette réunification est contraire à toutes les pratiques syndicales de l’UNEF. Nous croyons en un syndicalisme de terrain, tourné vers l’étudiant. Or cette réunification ne servirait qu’à peser sur les instances dirigeantes du milieu universitaire, sans forcément s’intéresser à la base, c’est à dire à l’immense majorité des étudiants. Etre un syndicat « puissant » c’est utile lorsqu’on veut faire de la cogestion l’axe principal de sa pratique syndicale. Mais c’est idiot si on défend une action plus modeste, mieux à l’écoute des étudiants. Par ailleurs, il faut bien reconnaître que la concurrence entre les syndicats est l’un des principaux motifs de mobilisation des troupes et qu’elle nous pousse à rester en phase avec le milieu étudiant. Les universités où il n’existe qu’un syndicat sont souvent celles où le débat et l’action militante sont les plus faibles.

L’argument directement lié à celui-ci est celui du pluralisme. Ce n’est pas une question sans intérêt dont les étudiants se fichent. Il en va de la légitimité des élections universitaires et de la démocratie étudiante. Que se passera-t-il si tous les débats qui existent entre nous sont tranchés en interne, sans aucune consultation des étudiants ? Si les forces « progressistes » fusionnent, on va réduire les élections universitaires à un débat gauche / droite avec l’UNI ou a un débat politique / a-politique avec les corpos. Les débats de fond sur des questions syndicales (par exemple l’allocation d’étude) seront évacués des élections universitaires.

Enfin, une puissante structure syndicale permet-elle un meilleur débat interne ? Une plus grande diversité des militants ? Rien n’est moins sûr. Au contraire, plus un syndicat est puissant, plus les enjeux de pouvoir, le carriérisme et les ambitions politiques de quelques personnes risquent d’en corrompre le bon fonctionnement. Cela est particulièrement vrai dans une structure où les militants sont jeunes et « se font les dents » sur le syndicalisme étudiant avant d’attaquer une « véritable » carrière politique. L’affaire de la MNEF, dans laquelle l’UNEF-ID a été mise en examen, montre les dangers qui peuvent résulter d’un syndicat qui serait utilisé par un petit groupe de personnes pour leurs ambitions propres. Par exemple, je finance tel parti grâce au syndicat, via une mutuelle étudiante, pour m’assurer une bonne carrière politique…

En somme, nous avons montré que la construction d’une organisation syndicale unique menace le travail de terrain, le pluralisme, et accentue les risques de dérive.

Mais revenons à présent sur la forme qu’a prit le congrès. Il aura été extraordinaire sur bien des points. Laissons de côté la remise des mandats. Personne ne s’est sorti grandi d’avoir attendu près de huit heures l’ouverture des débats. Tout au plus pourrait-on faire remarquer qu’il y aurait sans doute eu moins de suspicion de part et d’autre si ce congrès avait été convoqué dans de meilleures conditions.

Celles-ci étaient confuses en effet. Le Bureau National avait seul décidé de l’ordre du jour et du nombre de délégués. Deux semaines avant le début du congrès, on ne savait pas s’il allait se faire sur deux ou sur trois jours. Les militants d’Orsay eux-même ne savaient plus très bien ce qu’ils étaient sensés organiser et se trouvaient souvent à la remorque des décisions du bureau… Partout, des congrès locaux devaient être convoqués alors que personne n’avait un ordre du jour précis du congrès.

Lorsque nous avons enfin reçu le texte de congrès, c’est pour constater que la contribution que le Secrétariat National lui-même nous avait demandée de rédiger était absente du courrier.

Les congrès locaux eux-mêmes eurent du mal à s’organiser. De nombreux délégués n’ont jamais été élus. A Paris 8 par exemple, le congrès a duré trois jours et il a été décidé que n’importe quel adhérent pourrait s’y rendre. Il faut dire qu’ils devaient trouver 43 délégués. Le nombre de délégués étant proportionnel au nombre d’adhérents, cela n’aurait pas dû être un problème, mais d’après les délégués de Saint-Denis eux-même, il y aurait plus de cinq cents fausses cartes à P8… Mieux encore, dans d’autres AGE le « congrès » et le vote de la délégation s’est fait… par téléphone !

Un congrès commence en général par la désignation d’un Bureau de Congrès composé d’une personne par délégation. Le bureau de congrès est l’instance dirigeante du congrès. Il est très important que sa désignation se face de manière la moins contestable possible, de façon à ce que le congrès se déroule dans les meilleures conditions. Ici, ce sont les organisateurs eux-mêmes, c’est à dire le Bureau National, qui s’est chargé de le constituer. Pour faire bonne mesure, ils ont intégré quelques personnes à leur équipe dont on ne sait sur quels critères elles ont été choisies. Ce fut d’ailleurs l’enjeu du premier vote. Un vote qui eut lieu sans aucun débat, parce que tout le monde en avait marre d’attendre et que personne n’a eu le courage de contester la procédure.

Aux yeux des militants, le bureau n’en était pas légitime pour autant. Le lendemain, l’ordre du jour fut modifié de façon importante sur deux plans. Tout d’abord, la question du renouvellement de la direction national a été posée et approuvée. Une motion qui prévoyait la réunion d’une commission de candidatures (composé des chefs de délégation) a même été votée.
Pourtant, ces deux résolutions n’auront jamais été appliquées. Ce qui fait qu’on se trouve actuellement avec une équipe dirigeante qui n’a pas été renouvelée alors même que le congrès avait décidé d’en débattre et avait voté pour le principe d’une commission de candidature… Le Bureau National actuel est d’autant moins légitime que c’est lui-même, en tant qu’équipe dirigeante du Congrès, qui a décidé de ne pas débattre de son propre renouvellement… Voilà ce qui arrive lorsqu’on ne désigne pas un Bureau de Congrès dans les règles de l’art…

Enfin, nous tenons à faire remarquer que le dernier vote s’est trouvé complètement faussé en raison de la décision incompréhensible de faire passer les motions des présidents de Clermont et de Paris I en contradictoire. C’était deux motions différentes qui pouvaient très bien se compléter. La première prévoyait la transformation du congrès en assise et la création d’un comité de transparence, la seconde demandait le rejet de toute réunification organique, appelait à élire une nouvelle direction nationale, et prévoyait d’organiser un nouveau congrès.

Cela demeure, aujourd’hui, notre position. Il devient urgent, en effet, de créer les conditions pour que l’UNEF redevienne un véritable syndicat, tourné vers l’étudiant et susceptible d’être un outil efficace entre leurs mains.

L’UNEF Paris I demande donc à ce qu’un nouveau congrès ordinaire soit convoqué, de façon à dégager une orientation générale sur la politique syndicale de l’UNEF et à procéder à l’élection de nouvelles instances dirigeantes.

Nous demandons aussi à ce que la commission de transparence qui a été voté soit mise en place le plus rapidement possible et qu’elle puisse travailler dans de bonnes conditions.

Enfin, nous invitons les militants de l’UNEF à poursuivre un travail de terrain, sans rejeter a priori une démarche unitaire, pourvue qu’elle se fasse dans l’intérêt des étudiants.

Dans le cas où un nouveau congrès n’aurait pas été convoqué avant la fin 2001, l’UNEF se trouvera sans dirigeant légitime. Ce sera alors à la justice de désigner des administrateurs provisoires. Espérons que nous n’en arriverons pas à cette extrémité…

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