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Vue de gauche
22 juin 2007

La Hollande : l’autre pays du NON

A mi-chemin entre le modèle social scandinave et la social-démocratie allemande, les Pays-Bas ont pendant longtemps incarné une culture politique apaisée, privilégiant un capitalisme social fondé sur des compromis entre la droite et la gauche. Le mode de scrutin (proportionnelle stricte) rendant difficile l’hégémonie d’un parti, les gouvernements hollandais sont toujours des gouvernements de coalition, et il est rare qu’un camp parvienne à gouverner sans l’autre (que ce soit la droite ou la gauche).

Le tournant libéral

Le modèle de compromis social se détraque progressivement dans les années 90. En 1989, le Parti du travail (social-démocrate) dirigé par Wim Kok accepte d’entrer dans une coalition de droite. Le gouvernement de l’époque engage une politique qui rompt brutalement avec le modèle social du pays, en privatisant d’un grand nombre de services publics et en détricotant l’État providence. Cette époque marque la fin de l’alliance traditionnelle entre les syndicalistes (qui combattent les réformes) et le Parti du travail, mais n’entache pas la popularité de son leader qui gagne largement les élections de 1994. Les sociaux-démocrates forment alors une coalition unique dans l’histoire des Pays-Bas avec les libéraux de gauche et de droite. Pour la première fois depuis 1918, les chrétiens-démocrates se voient exclus du gouvernement.

Bien que cette coalition soit très largement de gauche, la politique engagée ne rompt pas avec celle du précédent gouvernement. La rigueur et le démantèlement des services publics sont poursuivis, même si de nombreuses réformes sociétales sont engagées (mariage homosexuel, euthanasie…). Pendant cette période, les sociaux-démocrates conservent leur popularité et sortiront à nouveau vainqueur des élections de 1998.

La crise de la social-démocratie

Mais l’écart se creuse entre les politiques menées et l’aspiration de la population. Le vote protestataire se développe. De nombreux électeurs sont alors attirés par la droite populiste de Pim Fortuyn. L’assassinat de ce dernier à quelques jours du scrutin de 2002 fait exploser le score de ce parti atypique. En remportant 26 sièges au parlement (sur 150), il devient la deuxième force du pays. Les sociaux-démocrates sont laminés et perdent environ la moitié des 45 sièges qu’ils possédaient. Un gouvernement de droite dure se met en place avec les démocrates-chrétiens, les libéraux et la liste Pim Fortuyn. Mais ce gouvernement ne résiste pas à l’amateurisme de ses ministres populistes, ce qui entraîne de nouvelles élections en 2003. C’est une coalition de droite libérale qui arrive au pouvoir, poursuivant la politique de démantèlement de l’État social néerlandais.

Le Parti du travail, qui reste dans l’opposition, en profite pour amorcer, en 2005, sa mue idéologique. Il assume ainsi clairement son social-libéralisme et apporte un soutien sans faille au camp du « oui » lors du référendum européen (tout comme les grandes centrales syndicales, le patronat, les églises, les associations de défense des droites de l’homme, les organisations écologistes et la quasi-totalité des médias). Comme en France, la très large victoire du « non » (62%) marque  une crise profonde entre les institutions représentatives et la population.

L’émergence de la gauche radicale

Cette défiance a continué de nourrir le vote de protestation. Mais cette fois-ci la droite populiste n’est plus l’outil privilégié par les électeurs. Le scrutin du 22 novembre 2006, voit en effet le triomphe du Parti Socialiste et de son leader charismatique, l’ancien ouvrier, métallo et syndicaliste, Jan Marijnissen. Un parti ex-maoïste, certes aujourd’hui rénové, mais toujours situé à la gauche de la gauche. Fort de ses 25 députés, celui-ci fait presque jeu égal avec la social-démocratie traditionnelle (32 sièges) et devient la troisième force politique du Pays (une première en Europe). Le Parti du travail choisit cependant d’entrer dans une coalition dirigée par la droite et obtient le poste de ministre des finances pour son leader Wouter Bos. Les partis d’extrême droite quant eux doivent se contenter d’un total de 11 sièges.

Aujourd’hui, le modèle de « démocratie apaisée » des Pays-Bas a du plomb dans l’aile. Les réformes libérales engagées dans les années 90, tant par la gauche que par la droite, ont conduit les électeurs à se tourner vers le vote protestataire. Si la droite populiste en a d’abord profité, c’est maintenant la gauche radicale qui a le vent en poupe… au grand dam de la social-démocratie.

Pour Parti Pris

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