Développer le téléchargement légal
1- État de la situation actuelle
La situation actuelle est très
insatisfaisante, tant pour les créateurs que pour les consommateurs de produits
culturels.
- Avec l’explosion de l’accès à Internet haut débit, le
téléchargement illégal concerne actuellement de 3 à 6 millions de personnes en
France. La France est l’un des pays le plus touché au monde par le
téléchargement illégal. Les secteurs concernés sont : la musique, le cinéma, les
logiciels. De facto, le téléchargement illégal crée un manque à gagner
considérable puisqu’il est évident que la majeure partie de ces téléchargements
ne se traduira pas par des achats.
- Pour les Internautes qui téléchargent,
la situation est plus ambiguë. D’un côté, ils ont conscience de l’illégalité de
leurs actes et des menaces judiciaires qui pèsent sur eux. D’un autre côté, ils
ont aussi conscience que « la masse » les protège et qu’il est impossible de
condamner plusieurs millions d’Internautes.
2- Les atouts du
téléchargement
Les logiciels de partage en « pair à pair » sont d’une
redoutable efficacité, à la fois accessibles, bien connus, et très simples à
utiliser. L’offre culturelle de ces logiciels est gigantesque et ne se limite
pas aux produits de la culture de masse. Il suffit qu’une personne, sur le
réseau, possède un fichier, pour que celui-ci soit disponible à l’ensemble des
autres utilisateurs, partout dans le monde. En matière de cinéma, on peut
évaluer à plusieurs dizaines de milliers le nombre de films accessibles au
téléchargement, et cela dans de nombreuses langues et dans de nombreuses
versions. Cela va des films les plus anciens aux films récents, en passant par
les séries télé. L’offre augmente chaque jour et la qualité des fichiers
s’améliore sans cesse (souvent niveau DVD).
C’est cette exceptionnelle
performance qui constitue la véritable menace pour le réseau de distribution
classique des produits culturels. En effet, aucune entreprise n’est en mesure de
posséder un tel catalogue. La dématérialisation et la numérisation des produits
fait tomber leur coût de diffusion à zéro, ce qui, d’une certaine façon rend
presque inutile l’existence de ces diffuseurs (Fnac, Amazon, etc…)
D’un point
de vue économique, cet effondrement des coûts de diffusion est une bonne chose.
C’est le résultat d’un progrès technologique considérable et par ailleurs
irréversible. Il est normal que le système en soit déstabilisé, mais c’est au
système culturel de s’adapter à la technologie et non l’inverse. L’État doit
intégrer ce progrès et favoriser sa diffusion plutôt que chercher à le freiner
pour maintenir des équilibres devenus artificiels.
3- La licence globale
: une solution possible sous certaines conditions
La licence globale peut
s’avérer une solution séduisante pour permettre de satisfaire les contraintes
financières de la création, tout en faisant bénéficier les consommateurs du
progrès technique.
Cette licence doit cependant satisfaire trois conditions
:
1- Elle doit être suffisante : Son montant ne peut pas simplement être
déterminé par le prix que les internautes sont prêts à payer, à savoir 5 à 7
euros par mois selon les enquêtes. Ce prix doit pouvoir être négocié et pourrait
bien se situer dans une fourchette de 20 à 30 euros par mois, ce qui pourrait
presque doubler le montant d’une connexion haut débit. Ce prix doit cependant
pouvoir être modulé en fonction du débit choisi par l’Internaute. Par exemple,
un débit de 512 kb, qui permet de « surfer » sur le Web et de consulter ses
emails, mais qui est encore insuffisant pour télécharger dans de bonnes
conditions, devrait pouvoir être au moins partiellement exempté du paiement de
la licence.
2- Elle doit être proportionnelle : La licence globale doit être
répartie en fonction du nombre de fichiers effectivement téléchargés et non en
fonction du nombre de ventes. Cette solution est techniquement possible. Elle
est souhaitable pour 2 raisons : tout d’abord parce que l’achat d’un DVD et le
téléchargement d’un film répondent à deux logiques très différentes. Il serait
injuste de répartir la manne de la licence auprès des producteurs qui
bénéficient déjà de bons réseaux de distribution alors que le téléchargement est
un moyen, justement, de contourner ces réseaux. Ensuite, seule la rémunération
proportionnelle peut inciter les producteurs à s’investir réellement dans la
logique du téléchargement. On peut penser que, à l’avenir, une bonne partie des
recettes des produits culturels soit dépendante d’Internet et de cette licence.
On peut donc assez facilement imaginer que la « sortie » sur Internet d’un film
ou d’un disque soit accompagnée de publicité et soit ainsi complètement
réintégrée dans le circuit commercial.
3- Elle doit être obligatoire : A
partir du moment où le montant de la licence est proportionnel au débit de la
connexion, cette obligation est logique et juste. Elle est juste car elle
applique le principe de solidarité à la diffusion de la culture. La redevance
télé est obligatoire, même pour un téléspectateur qui ne regarderait que des
chaînes de télévision privées. La sécurité sociale est obligatoire, même pour
ceux qui ne sont pas malades. La taxe sur les tickets de cinéma qui finance le
cinéma français concerne tous les spectateurs, y compris ceux qui ne regardent
que des films américains. Bref, l’idée selon laquelle la licence doit concerner
tous les internautes qui bénéficient d’une connexion haut débit, y compris ceux
qui choisissent de ne pas télécharger, n’est ni choquante ni
injuste.
4- Internet comme service public
La question de l’accès à
Internet est un vaste débat qui réclame une véritable politique publique. La
communication, la culture, sont des services publics. Internet a aussi un rôle
de service public qui ne doit pas être uniquement régulé par le marché et la
concurrence. L’accès à Internet ne doit pas être réservé aux populations
urbaines et jeunes. Il faut au contraire que l’on puisse garantir à chaque
Français l’accès à une connexion de bonne qualité. Il faut aussi développer un
minimum de formation, notamment en direction des personnes âgées. Enfin, la
sécurité sur le Web (virus, spams) ne doit pas non plus être laissée aux
entreprises ou au bénévolat de quelques programmeurs. L’État devrait pouvoir
consacrer un minimum de ressources à ces questions, surtout s’il veut développer
une politique ambitieuse des contenus.