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1 novembre 2000

Pour un renouveau de l’UNEF

1- Constats de crise

Depuis quelques années, chaque ministre y va de sa « Grande Réforme » sensée réveiller « le mammouth » et adapter l’enseignement supérieur à la multiplication des effectifs étudiants (doublement depuis 1980). Après de nombreuses hésitations, et alors que le nombre d’étudiants s’est enfin stabilisé, des réformes se mettent en place.

Pour quel bilan ? Certes, des réformes ont lieu et leur rythme s’accélère depuis 1997, mais elles semblent davantage déstabiliser les étudiants que répondre à leurs attentes, davantage fragiliser l’équilibre de l’édifice universitaire que clarifier ses objectifs. Depuis la semestrialisation imposé par Bayrou qui bouleverse l’organisation des cours et des sessions d’examens jusqu’à la licence-pro de Claude Allègre qui menace la logique universitaire traditionnelle en professionnalisant son enseignement, il semble que personne ne s’est réellement penché, parmi les étudiants et les organisations syndicales, sur la logique et le bien-fondé de ces chambardements.

A côté de ces multiples réformes dont il est parfois difficile de comprendre la cohérence et la logique, les étudiants constatent que leurs conditions d’études et de vie ne s’améliorent pas. Le système d’aide sociale reste notoirement insuffisant, et près de 100 000 étudiants vivent en dessous du seuil de pauvreté. Le déblocage de 7000 allocations d’études l’année dernière, attribuées sur des critères flous, s’est fait dans la confusion. La stratégie de l’UNEF-ID, qui consistait à faire remplir un maximum de dossiers à n’importe quel étudiant est responsable de l’engorgement des services sociaux des CROUS et explique en partie le fait que seule la moitié de ses allocations ont pu être effectivement allouées aux étudiants.

La création en parallèle d’un nouvel échelon de bourse (la bourse à taux zéro) est certes une bonne chose, mais elle ne compense pas les insuffisances du système des bourses, dont aucun échelon ne permet réellement à l’étudiant de vivre sans un soutient extérieur ou un travail à temps partiel.

Si l’aide aux étudiants les moins favorisés reste insuffisante, les services généraux du CROUS se détériorent. En moyenne, sur les dix dernières années, le prix du ticket-U a augmenté deux fois plus vite que l’inflation et la qualité nutritive des repas s’est dégradée. Alors que le système de restauration était auparavant axé sur les restau-U, on constate l’émergence de cafétérias et de sandwicheries CROUS dont les prix, calqués sur le privé, servent souvent à financer les déficits des autres activités du CROUS. Et bien qu’en théorie le repas des étudiants est sensé être financé par l’Etat, c’est aujourd’hui l’étudiant qui finance les services de l’Etat en achetant des sandwichs qui ne couvrent pas ses besoins nutritifs.

Même l’UNEF-ID, qui sent un marché porteur, se met à proposer des sandwichs pour financer ses activités « syndicales » (12F pour les étudiants… 10F pour les adhérents).

Face aux réformes et aux dérives du CROUS, les syndicats étudiants n’ont pas su se faire entendre ni proposer des alternatives crédibles. Force est de constater que derrière la stratégie de réunification se trouve en fait une crise profonde du syndicalisme étudiant. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les chiffres de participation aux élections (moins de 10%) et de considérer la proportion de ses adhérents par rapport aux effectifs étudiants (moins de 1%). Entre un syndicat hégémonique et racoleur qui sert avant tout de tremplin politique à ses dirigeants locaux et nationaux, et l’UNEF, dont la direction nationale s’est détachée à la fois des étudiants et de sa base militante, il n’est nul besoin de chercher bien loin les raisons de la désaffection des étudiants pour leurs syndicats.

Pourtant, ce ne sont pas les occasions qui ont manqué à l’UNEF pour se faire entendre. Sans revenir sur les réformes et la détérioration des services du CROUS, on a parfois l’impression que le manque de cohérence dans la ligne syndicale de l’UNEF est directement lié au manque d’intelligence de ses dirigeants qui n’ont pas su élaborer une vraie réflexion sur les réformes proposées par le ministère de l’éducation nationale.

Les dérives de l’UNEF-ID auraient elles aussi mérité une réflexion critique de la part de l’UNEF. L’a-t-on entendu dénoncer la stratégie irresponsable de l’UNEF-ID face aux allocations d’études proposées par le gouvernement ? Pourquoi par ailleurs l’UNEF n’a-t-elle pas été capable de maintenir une surveillance et un contre-pouvoir dans l’affaire de la MNEF ? Pouvait-elle ignorer les liens organiques qui existaient entre la mutuelle étudiante, l’UNEF-ID et le Parti Socialiste ? Rappelons qu’à l’heure actuelle l’UNEF-ID est mise en examen dans cette affaire…

Quoi qu’il en soit pour l’UNEF, les conséquences de cette inertie font que sa position au niveau national s’est considérablement affaiblit et que ses résultats aux élections se sont effondrés.

2- Les dangers de la réunification

Pour répondre aux crises du syndicalisme étudiant et aux menaces que font peser les réformes, on nous propose aujourd’hui de nous rallier sans condition au projet de « refondation du mouvement étudiant », sensé se tenir lors des Assises de décembre.

Ce projet paraît à la fois inutile et dangereux. Sans compter que ce qui est en train de se mettre en place ne ressemble absolument pas à ce qui avait été promis, ni dans la forme, ni sur le fond.

Dans la forme, la direction de l’UNEF avait insisté sur la nécessité de créer une réunification large, de manière décentralisée, en concertation avec l’ensemble des acteurs du milieu étudiant. Or, on est en train d’effectuer, dans les faits, une réunification au sommet dont l’immense majorité des étudiants sera exclue. Par ailleurs, on n’a absolument pas écouté les propositions des AGE qui avaient joué le jeu localement, dont certaines avaient commencé à poser une réflexion sur le sujet et à nouer des contacts avec de associations étudiantes. Nombre d’entre elles, qui avaient travaillé sur le terrain, proposaient une organisation décentralisée qui prenne la forme d’une intersyndicale permanente plutôt que celle d’une structure nationale dans laquelle l’UNEF irait se fondre.

Sur le fond, s’il s’agissait de faire participer les nombreux étudiants qui ne se retrouvaient pas dans les organisations syndicales, on est loin de la coupe aux lèvres. Qui participera à ces Assises ? Une grande majorité de syndicalistes et quelques associatifs qui gravitaient déjà plus ou moins autour des syndicats. Cela ne renforce absolument pas la légitimité des syndicats étudiants et ne résout en rien leur crise structurelle. En réalité, il ne s’agit ni plus ni moins que de l’absorption des syndicats alternatifs par l’UNEF-ID.

Par ailleurs, la réunification conduira à confisquer le débat qui se faisait auparavant auprès des étudiants, lors des élections universitaires, et qui aura lieu désormais au sein d’une organisation unique. Quelle garantie avons-nous que ce débat ne sera pas noyauté par telle ou telle tendance ou groupement d’intérêt ? Quelle garantie auront les étudiants face aux éventuelles dérives qui pourraient subvenir, dès lors que, faute d’opposition crédible, elle pourrait disposer à son grès des fonds pour la vie étudiante ?

En réalité, construire un gigantesque syndicat étudiant, c’est aiguiser les appétits des partis politiques et prendre le risque que, tiraillé entres les diverses récupérations, il abandonne totalement ses objectifs syndicaux pour des objectifs bien éloignés des préoccupations étudiantes.

3- Pour un véritable projet syndical.

L’UNEF n’a pas à se résoudre à cette fatalité. La question de la réunification n’a aucun intérêt en elle-même. Ce qui compte, c’est notre projet syndical et le meilleur moyen de le mettre en œuvre. Or il se trouve que sur bien des points, les approches dVoilà bien longtemps que l’UNEF-ID a fait des allocations d’études son cheval de bataille favori. Cette idée n’est pas seulement démagogique, elle signifie la fin des aides spécifiques allouées aux étudiants défavorisés, alors que les inégalités sociales tendent à se creuser à mesure que le niveau d’étude augmente. L’UNEF a toujours défendu le principe des bourses contre celui des allocations d’études avancées par l’UNEF-ID. Notre fusion dans un syndicat unique signifierait qu’il n’y aurait plus d’organisation syndicale pour défendre une politique volontariste contre les inégalités sociales à l’université.

Dans la pratique, nos conceptions du syndicalisme s’opposent elles aussi. De manière générale, nous défendons une pratique syndicale qui associe les étudiants à nos actions, alors que l’UNEF-ID tend à se substituer à eux. Ainsi, elle donne un rôle premier à sa participation aux conseils et au rôle de ses élus. A l’UNEF, nous rejetons une logique qui voudrait faire des élections universitaires le point d’orgue de toute action syndicale. Nous croyons au contraire que c’est dans les luttes quotidiennes, aux côtés étudiants, que nous faisons réellement du syndicalisme.

En somme, une association avec l’UNEF-ID serait une menace pour notre activité syndicale. Allons-nous être la caution militante d’une structure dirigée par les cadres actuels de l’UNEF-ID ?

4- La situation actuelle de l’UNEF

En décidant de s’associer à la réunification avec l’UNEF-ID la direction nationale de l’UNEF renie les principes pour lesquelles nous nous battons. Progressivement, nous constatons que cette direction s’est enfermée dans une logique incompréhensible, qui nous paraît impossible à défendre.

Alors que de nombreuses réformes ont été lancées par le ministère, le débat sur la réunification a pourri toute discussion interne à l’UNEF et toute prise de position claire de sa part. Opposée à la semestrialisation lors du congrès de Pantin, l’UNEF est aujourd’hui en train d’accompagner les réformes qu’elle combattait naguère. De manière générale, son projet syndical est flou et cela fait bien longtemps qu’elle n’a plus lancé de véritable campagne nationale sur des sujets susceptibles de mobiliser les étudiants.

Dans son fonctionnement interne, l’UNEF est en crise. C’est peu dire que de constater que le dialogue passe mal. Les derniers Collectifs Nationaux, boycottés par de nombreuses AGE, ont réuni moins d’une vingtaine de participants, et les suivis nationaux, n’ayant plus aucune crédibilité, se font refouler des Assemblées Générales qu’ils sont sensés encadrer.

Cette déliquescence de l’UNEF au niveau nationale trouve en partie son origine dans l’incompétence et la crispation du Secrétariat National qui ne respecte plus les statuts et la démocratie interne de l’UNEF. La radicalisation de l’opposition trouve son origine, non seulement dans le projet de réunification, mais aussi dans l’élaboration en urgence, et sans la moindre concertation, d’une liste commune avec l’UNEF-ID pour les élections au CNESER. Par ailleurs, en faisant pression sur les présidents d’AGE pour qu’ils « gardent la ligne », le Secrétariat National détient une part de responsabilité dans la crise de certaines AGE qui refusent à présent de travailler avec les instances nationales.

Aujourd’hui, tout le monde semble oublier que l’UNEF a des statuts et des règles de fonctionnement, qui imposent par exemple un délai de deux mois entre la convocation et la réalisation d’un congrès.


5- Refonder l’UNEF

Pour autant, nous croyons qu’il est possible de dépasser les logiques scissionnistes et de rebâtir l’UNEF. Ce congrès doit être l’occasion de montrer qu’il est possible de construire une alternative crédible à la réunification. Une alternative qui repose sur un véritable projet syndical.

Car il ne s’agit pas simplement de garder l’UNEF pour garder l’UNEF. Nous devons montrer que nous sommes capables de prendre des positions claires et constructives sur les réformes mises en œuvre par les gouvernements successifs.

Il ne s’agit pas de nous opposer à l’UNEF-ID. Sur le fond, nous ne sommes pas opposés à travailler en collaboration avec d’autres organisations syndicales à partir du moment où nous nous retrouvons sur des objectifs communs. Cependant, avant de s’engager dans une telle démarche, il nous paraît essentiel de reconstruire l’UNEF et de redonner une crédibilité à notre position nationale.

D’ors et déjà, nous appelons les militants à rejeter la disparition de l’UNEF, à élire une nouvelle direction nationale et à préparer, avec nous, un prochain congrès, qui, sur des bases claires, nous permettra de proposer une alternative aux projets de réforme de l’université et à la main mise d’une organisation unique sur le syndicalisme étudiant.

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