Qu'est-ce que la mondialisation ?
L’expression directe d’idées brutales n’est pas
toujours facile et pour celles-là un mot vague est parfois bien pratique. On
connaît l’amalgame courant entre « liberté » et « libéralisme ». Lorsqu’on sait
que le second renvoie aux politiques de Reagan et de Thatcher (voire de Pinochet)
on mesure mieux la distance qui sépare les deux mots.
Le même amalgame
s’applique à la « mondialisation ». Le terme lui-même ne signifie pas
grand-chose. S’il s’agissait simplement d’exprimer une conscience citoyenne
mondiale et de développer des institutions démocratiques à l’échelle planétaire
on pourrait difficilement condamner ou militer contre la mondialisation.
Le
problème est que tout comme le « libéralisme », la « mondialisation » est un
concept économique. Ainsi, les économistes ne parlent pas de « mondialisation »
pour évoquer une quelconque fraternité humaine mais pour décrire un processus
d’intégration économique mondiale. Que signifie cette intégration ? Tout
simplement que les économies de chaque pays sont de plus en plus liées les une
aux autres et que ces liens ont engendré une forme d’interdépendance mutuelle.
Ce processus a commencé parce que les pays se sont « ouverts » sur l’extérieur
en accordant davantage de facilité à la circulation des marchandises et des
capitaux.
L’intégration économique n’a pas conduit à l’unification. Les
économies des divers pays sont devenues interdépendantes ce qui fait qu’une
crise dans un petit pays d’Asie peut entraîner l’effondrement d’une banque
britannique, mais elles ne sont pas devenues semblables. Des différences
importantes existent entre par exemple l’économie du Sénégal et celle de la
France. Pourquoi ? Parce que la mondialisation ne concerne justement que les
capitaux et les marchandises et qu’elle exclut notamment la liberté de
circulation des hommes. Si les hommes pouvaient circuler, il est évident qu’ils
iraient là où vont les capitaux et les marchandises, c’est à dire principalement
vers les pays développés. Mais comme des frontières continuent d’exister entre
les hommes, ceux-ci doivent se spécialiser dans un secteur de la production en
fonction des moyens dont ils disposent.
L’interdépendance est liée à la
spécialisation. Tout comme dans une entreprise il existe une répartition des
tâches entre les dirigeants, les ingénieurs, les techniciens et les ouvriers, la
mondialisation entraîne une spécialisation à l’échelle mondiale. Aux pays
développés échoit le droit de concevoir et de financer la production mondiale.
Grâce à leur quasi-monopole sur la recherche et les brevets ils peuvent en outre
produire les marchandises les plus élaborées et les plus chères. Les pays
moyennement développés comme le Mexique ou la Thaïlande vont pour leur part se
charger de la production manufacturière bas de gamme qui rapporte peu. Enfin,
les pays les moins avancés se cantonneront à approvisionner tout le monde en
matières premières bon marché sans aucune possibilité de développer une
industrie indépendante.
Maintenant, on mesure mieux l’écart qui sépare la
notion « d’intégration économique mondiale » de la fraternité humaine.