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22 novembre 2001

ECTS : Jack Lang invente le diplôme à points

Comme chaque année, nous avons eu droit au traditionel discours de rentrée du ministre de l’éducation nationale. A vrai dire, à quelque mois des échéances électorales, on ne s’attendait pas à grand chose de la part d’un ministre qui avait été nommé pour rendormir le Mammouth après les infructueuses tentatives de Claude Allègre pour le « dégraisser ».

Malheureusement on s’était trompé. Il ne faut jamais négliger chez un ministre l’acharnement à laisser sa trace dans l’Histoire en instaurant la 30ème réforme du siècle.

La réforme de cette année consiste donc à mettre en place d’un système de crédit européen remplaçant le système actuel du passage par année : les ECTS (European Credit Transfer System en vo). Ce système est assez simple en apparence : au lieu d’obtenir une licence après trois années d’études réussies, il suffira à l’étudiant d’obtenir 180 points (30 par semestre) correspondants à la validation de tel ou tel examen.

A priori on ne voit pas trop à quoi ça. En fait, s’il s’agissait d’une simple harmonisation facilitant l’accueil des étudiants français dans les université européennes, il n’y aurait rien à redire.

Mais l’objectif des ECTS dépasse le cadre d’une simple harmonisation. Pour Lang, ils doivent permettre «de favoriser la créativité, la faculté d'initiative des équipes pédagogiques qui souhaitent concevoir de nouveaux types de parcours, en se libérant si elles le souhaitaient des contraintes des cursus tubulaires qu'impliquent les textes de 1997».

En clair, les ECTS sont là pour garantir plus de « souplesse » dans l’organisation des diplômes. Du point de vue de l’étudiant, cela se traduit par le fait que ces 180 points peuvent être obtenus indépendamment du nombre d’années passées à la fac (deux ans pour les « bons » étudiants 4 ans, voire davantage pour les autres). Le danger c’est que plus rien ne garantira qu’il sera possible d’accumuler les points d’une licence en trois ans.

Du point de vue des universités, cette souplesse leur permet d’être «créatives» et d’instaurer de nouveaux parcours universitaires, par exemple en permettant l’accumulation panachée de points dans diverses disciplines (math et histoire par exemple). En effet, dans le système des diplômes à points, l’étudiant peut aller «faire ses courses» en choisissant les matières qui l’intéressent, parfois au mépris de toute logique pédagogique. Et s’il «se trompe» parce qu’il sort du lycée et ne connaît rien au système universitaire, on aura beau jeu de dire que c’est de sa faute et qu’il est responsable de ses choix...
Autre problème : que devient la compensation entre les matières ? Dans le système actuel, les mauvaises notes compensent les bonnes et permettent le passage dans l’année supérieure. A l’inverse, les ECTS constituent un système binaire : tu réussis ton examen, tu as tes points, tu le rates, tu as zéro.

Enfin, que devient le premier cycle ? Tout d’abord, le Deug disparaît, les ECTS s’inscrivant dans une logique 3/5/8. A terme, on peut parier que l’université ne permettra plus d’obtenir de diplôme à bac + 2 (que deviendront alors les IUT, une formation en deux ans ?). Pire, en proposant de doubler le nombre de licences professionelles (182 création contre 195 actuellement) Lang consacre en fait l’instauration d’un premier cycle professionalisant.

La fin de la politique nationale de l'éducation ?

Le véritable danger du système des ECTS c’est qu’il affaiblit encore le rôle de l’Etat dans la politique de l’éducation nationale.
Les ECTS ouvrent la voie à une régionalisation des diplômes, chaque université pouvant se permettre d’expérimenter de nouveaux parcours. Lang considère en effet qu’il faut « laisser les équipes pédagogiques innover en fonction des besoins de leurs étudiants » et se propose de modifier le système national des abilitations de diplômes « dans le sens de l’ouverture ».
Or, comment un diplôme créé pour statisfaire les besoins spécifiques des étudiants d’une université sera-t-il accepté par les autres universités ? Ne risque-t-on pas, à force « d’ouverture » de casser la logique pédagogique qui devrait permettre l’apprentissage d’un savoir cohérent et universel ?

Du côté de l’Europe, on commence à comprendre qu’en fait d’harmonisation, les réformes engagées dans les diverses pays de l’Union obéissent à une logique de privatisation et de marchandisation de l’enseignement.

Partout en Europe, cette soi-disante « harmonisation » fait des ravages : en Allemagne, on instaure des frais de scolarité spécifiques pour les soi-disant « étudiants à long terme », en Autriche, les frais de scolarités ont été introduits cet été, en Hollande le ministre de l'éducation a annoncé que les universités hollandaises allaient être de plus en plus commercialisées, et en France...

Aujourd’hui, des étudiants de l’Université de Dormund appellent à une grève européenne du 10 au 14 décembre. Ils cnsidèrent en effet qu’en Europe, les politiques nationales ne sont ni uniques, ni personnalisées par rapport à la situation des pays mais plutôt inspirées par une politique systématique de l'UE prédéterminée par des traités déjà négociés – notamment dans le cadre de l’OMC.

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