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29 octobre 2009

Taxons enfin les profits bancaires!

Cette fois, il y avait même quelques députés de droite un peu moins godillots que les autres pour voter une surtaxe de 10% sur les profits bancaires. Malheureusement, le gouvernement a dû penser que « c’était pas du jeu » et hop ! on revote pour supprimer la surtaxe trois jours plus tard. Ce serait drôle si le sujet n’était pas aussi dramatique.

Cela n’a échappé à personne : les banques vont mieux, les indices boursiers s’envolent, et les bonus fleurissent à nouveau. Après avoir été au bord du collapsus, le secteur bancaire renoue avec les profits insolents d’il y a quelques années. Aux Etats-Unis, JP Morgan Chase a annoncé des bénéfices en hausse de 36% au second trimestre, tandis que ceux de Goldman Sachs ont bondi de 90% ! Même la convalescente Citigroup, qui avait été renflouée à hauteur de 45 milliards de dollars par l'Etat fédéral américain affiche un bénéfice net de 4,27 milliards de dollars sur le deuxième trimestre. La France n’est pas épargnée. Il n’y a qu’à voir le redressement spectaculaire de la banque du génial Kerviel : en trois mois, la Société Générale est passée d’une perte de 278 millions d’euros au premier trimestre à un bénéfice de 309 millions. Et BNP Paribas, devenue première banque européenne après avoir avalé la belge Fortis annonce plus de 3,1 milliards d’euros de profit pour les seuls six premiers mois de l’année.

Cela serait certainement une bonne nouvelle si ces profits avaient un quelconque lien avec l’activité de l’économie réelle. Or, avec un chômage qui augmente (le secteur privé américain a encore détruit plus de 260 000 emplois en septembre), les entreprises n’investissent pas et les ménages étranglés par la dette sont légion. Dans un tel contexte, il est dérisoire d’espérer un redémarrage du crédit bancaire susceptible de relancer la production et la consommation. Mais si les banques prêtent moins, d’où viennent donc ces fabuleux profits ? La réponse est simple : de leurs activités spéculatives et de la hausse des marchés financiers. Retrouvant les bonnes vieilles méthodes de l’effet levier, les salles de marché profitent des faibles taux d’intérêt des banques centrales pour investir massivement dans des produits à hauts rendement dont la complexité et l’absence de transparence qui n’ont rien à envier aux fameux crédits subprimes.

Rendons-leur au moins ce mérite : les banques ont tiré une bonne leçon de la crise. Elles savent à présent qu’aucun gouvernement ne laissera l’une d’entre elles faire faillite. L’épisode « Lehmann Brother » a fait beaucoup plus de mal à ce pauvre Paulson (le secrétaire du trésor de G. W. Bush) qu’il n’en a fait aux banques. Elles y ont même gagné. Les plus fortes ont profité des faillites des petites pour se renforcer en rachetant à vil prix les actifs des « canards boiteux ». Le secteur bancaire en est sorti si concentré qu’une nouvelle faillite serait politiquement inenvisageable. Ainsi, fort de la garantie implicite des contribuables, le secteur bancaire peut spéculer sans risque.

En France, l’État aurait pu, comme à Londres ou à Washington, procéder aux nationalisations totales ou partielles des banques qu’il a aidées. Dans une logique d’optimisation des deniers publics, il aurait pu récupérer une partie de ces profits sous forme de dividendes ou revendre sa participation une fois la crise passée et dégager des plus-values. Dans une logique de régulation, il aurait pu participer au capital des banques, en nommant des administrateurs publics susceptibles de les contrôler. Au lieu de cela, le gouvernement a choisi d’acheter des actions dites « à dividendes prioritaire »… sans droit de vote. L’Etat a ainsi bénéficié d’un revenu « garanti » de 8% en moyenne, tout en permettant aux banques de racheter quand elles le voulaient ces actions au prix initial. Sauf qu’entre temps, grâce aux aides justement, leur valeur a été multipliée par deux. Le gouvernement, qui se vante d’économiser l’argent public a réussi le tour de force de ne rien réguler du tout, tout en laissant s’envoler plus de 12 milliards d’euros, rien que pour les seules BNP et Société Générale. « L’État de spécule pas », répond Christine Lagarde. Elle a raison : il vaut mieux laisser le soin aux banques de le faire.

Mais ce ratage politique n’est pas l’essentiel. L’essentiel c’est d’abord d’empêcher que tout recommence comme avant. Or, tout va forcément recommencer. Par son inaction, l’État continue de conforter un système rapace dont l’activité normale consiste à détourner massivement la richesse créée dans l’économie réelle vers les casinos des marchés financiers. En permettant aux banques de faire des profits qui ne correspondent en rien à leur contribution réelle à l’économie, on est en train de creuser le gouffre de la prochaine crise.

L’essentiel est donc d’arrêter une fois pour toute ce pillage organisé. Et pour cela, il faut limiter la course aux profits qui incite justement les banques à prendre toujours plus de risques sans en payer le prix. Il faut donc, comme le propose Frédéric Lordon, aller bien au-delà d’une surtaxe de 10% et plafonner les profits bancaires par l’impôt. Puisque les banques sont incapables de se réguler elles-mêmes, puisque le G20 n’a réussi à leur imposer qu’un encadrement cosmétique, exigeons donc que les profits bancaires cessent… ou retournent à l’économie réelle en permettant de financer les dépenses de santé, d’éducation, de recherche, en donnant à l’État les moyens d’investir.

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