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Vue de gauche
3 mars 2009

Partage salaire-profit : Non à la désinformation

Dans Libé de mercredi 18 février, Grégoire Biseau sermonne la gauche qui, à l'entendre, serait « enlisée » dans un discours falsificateur sur le partage entre salaire et profit. S'appuyant sur les travaux de Piketty et de Denis Clerc, Biseau affirme que cette répartition serait stable depuis 1988, et proche de ce qu'elle était dans les années 60. « Aucun économiste de gauche qui a un peu travaillé sur la question n'affirme le contraire », prétend-il. « Rien dans les statistiques » ne révèlerait un changement dans la répartition des richesses depuis 1988. Et les hommes politiques qui évoquent la diminution relative des salaires par rapport aux revenus du capital feraient preuve d'une « habile mauvaise foi politicienne ».

Graph_partage_VAAucun économiste de gauche ? Monsieur Biseau a sans doute oublié de lire les travaux de Michel Husson qui répond point par point à l'analyse de Clerc et qui trouve, lui, que la part des salaires dans l'économie a diminuée de 4,6 points entre 1968 et 2006. Husson n'est d'ailleurs pas le seul. La Commission européenne est arrivée au même constat dans un récent rapport. Alan Greenspan aussi, et il s'en est publiquement inquiété dans une interview au Financial Time (16 septembre 2007). Les études très sérieuses qui montrent que dans presque toutes les économies développées la part des salaires dans la valeur ajoutée a diminué et diminue encore sont tout simplement trop nombreuses pour être toutes évoquées ici.

Aucune statistique ? Considérons des chiffres simples et non des reconstructions alambiquées. Entre 1988 et 2007, la richesse par habitant a augmenté de 33%. C'est une statistique de l'INSEE, disponible sur Internet et que chacun pourra vérifier. Pendant la même période, le pouvoir d'achat du salaire net moyen n'a augmenté que de 11,6%. Les profits distribués aux actionnaires des sociétés non financières sont eux passés de 17,7 milliards d'euros à 76,6 milliards. Une augmentation de 332% (multiplication par 4). Il faudra bien que M. Biseau nous explique comment cet écart peut s'expliquer dans le cadre d'un partage « stable ».

Mais l'erreur la plus importante dans ce débat, c'est sans doute de se focaliser sur ce fameux chiffre de la répartition de la valeur ajoutée. Il ne représente les revenus de personne car il s'agit de ce que les économistes appellent la « répartition primaire », c'est à dire la répartition avant que les administrations interviennent et imposent de nouvelles règles de partage. Or, les administrations représentent plus de la moitié du PIB, et leur action n'est pas neutre. Considérons ce simple fait : depuis 1988, la France a vieilli et les retraités sont plus nombreux. De ce fait, le coût de la sécurité sociale a augmenté, passant de 18,5% du PIB à 22%. Cette augmentation est parfaitement normale, c'est le prix de notre modèle social. Mais sur qui a pesé ce coût ? Pas sur les entreprises dont l'effort en matière de cotisations sociales a diminué sur la même période. C'est simple, si on appliquait aux entreprises d'aujourd'hui le taux de cotisations sociales de 1988, cela permettrait de dégager près de 20 milliards d'euros de ressources supplémentaires pour la sécurité sociale.

Les salariés sont bien les grands perdants du partage des richesses en France. Grégoire Biseau voudrait nous faire croire que cette répartition est stable. Ce faisant, il laisse entendre que le niveau actuel des salaires, en tout cas en France, n'est pas responsable de la crise. La réalité est très différente. Ces 20 dernières années, l'augmentation des revenus salariaux a été inférieure à l'augmentation de la richesse créée, mais les revenus des actionnaires ont été multipliés par quatre. D'autre part, la politique fiscale a protégé les entreprises en faisant peser sur les seuls ménages le coût du vieillissement de la population. Il y a donc bien eu une baisse des salaires dans le partage des richesses. C'est tout à l'honneur de la gauche de le dénoncer et de se battre pour plus de justice.

A lire également : "Partage des profits, confusion des esprits", sur le blog de Jean-François Couvrat.
(On aimerait bien que tous les journalistes soient aussi rigoureux et pédagos)

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Commentaires
N
Attention, vos chiffres sont trompeurs: l'augmentation des capitaux propres dont vous parlez ne représentent pas une augmentation des dépenses des investisseurs, mais une augmentation de leur patrimoine. C'est parce que les cours de bourse ont été multipliés que les capitaux propres des entreprises ont augmenté. Les nouveaux investissements effectués par les marchés sont très faibles. Donc les actionnaires ont vu leurs rémunérations augmenter, les cours de bourse (donc leur patrimoine) a aussi augmenté, mais leur participation à l'investissement des entreprise a été extrêmement faible. Depuis les années 2000, on constate même que le volume de nouveaux investissements réalisé par les marché financiers est inférieur à la rémunération totale des actionnaires (via le rachat d'actions et la distribution de dividendes).<br /> sur ce sujet, voir l'article de F. Lordon: "Et si on fermait la bourse?"<br /> http://www.monde-diplomatique.fr/2010/02/LORDON/18789
L
Effectivement<br /> <br /> "Entre 1988 et 2007, les profits distribués aux actionnaires des sociétés non financières sont eux passés de 17,7 milliards d'euros à 76,6 milliards."<br /> <br /> Sauf que les capitaux investis dans ces sociétés sont passés de 300 à 1800 milliards d'euros<br /> <br /> Quand les dividendes ont été multipliés par 4, les capitaux investis ont été multipliés par 6<br /> <br /> En réalité, les dividendes par rapport aux capitaux investis ont donc baissé depuis 1981<br /> <br /> <br /> http://www.ifrap.org/Les-dividendes-ont-baisse-attention-a-la-desinformation,1211.html
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