L’argent dette, de Paul Grignon
Une vidéo circule de plus en plus
sur le web, ces dernier temps, « l'argent dette » de Paul
Grignon. Extrêmement pédagogique, elle explique comment l’argent est créé par
les banques, en contrepartie d’une dette, c'est-à-dire d’une promesse de remboursement. Les titres
qui circulent dans les marchés, et en particulier les titres hypothécaires,
correspondent donc à des « promesses » dont la valeur est, comme
toute promesse, intimement liée à la foi qu’on leur accorde.
L'Argent Dette de Paul Grignon (Money as Debt FR) from Bankster on Vimeo
Endettement
comparé en % du PIB en 2006
Source: Sapir 2008
La seconde partie de la vidéo (après la première demi heure), plus politique et polémiste, doit être considérée avec prudence. Deux raisonnements sont en effet incomplets. Tout d’abord, l’idée selon laquelle la dette globale augmente de façon exponentielle est fausse. Deux mécanismes viennent réduire les mécanismes de création monétaire : la faillite des emprunteurs (dont le volume n’est pas négligeable) et l’inflation (qui n’est pas évoquée à ce moment-là de la vidéo). En effet, si les taux d’intérêt sont égaux à l’inflation, alors le volume de la dette globale reste stable en valeur. Si l’on prend en compte les faillites, il faudrait alors que les taux d’intérêt bancaire soient légèrement supérieurs au taux d’inflation pour empêcher la croissance de la dette. Au total, il n’y a aucune raison pour considérer que sur le long terme la croissance monétaire est exponentielle. La période actuelle montre qu’on peut détruire massivement de la monnaie lorsque la sphère financière décroche trop de la sphère réelle.
L’autre analyse infondée concerne la relation entre croissance économique et limites écologiques. L’argument selon lequel il ne peut y avoir de croissance durable dans un monde fini est fallacieux. En effet, la croissance économique n’est pas nécessairement une croissance matérielle qui suppose un prélèvement supplémentaire de ressources naturelles. En réalité, la dimension matérielle de la croissance est faible. Les services sont nettement majoritaires dans la production d’une économie et ceux-ci ne sont pas consommateur de ressource. Par ailleurs, il ne faut jamais oublier que la croissance n’est jamais qu’une création de valeur. Or, il n’y a pas nécessairement corrélation entre la valeur d’un bien et son impact écologique ou sa consommation de ressources. Je ne suis pas sûr par exemple, qu’un écran LCD soit plus consommateur de ressources qu’un écran à tube cathodique. Les voitures d’aujourd’hui sont plus économes en ressource que celles d’il y a 30 ans. Cela ne les empêche pas d’avoir davantage de valeur. Enfin, le recyclage, est une matière de créer de la valeur supplémentaire en diminuant l’exploitation des ressources de la planète.
Au total, cette vidéo est extrêmement intéressante et pédagogique, mêmes si certains raisonnements sont incomplets dans sa deuxième partie. Pour avoir enseigné les mécanismes de création monétaires, je sais à quel point c’est difficile à faire comprendre. La première demi-heure est à ce titre un chef d’œuvre sur le plan pédagogique.