Le centrisme: la maladie sénile du socialisme
La réaction de Ségolène Royal aux propos de Michel Rocard qui le
premier a prôné cette alliance « avant le premier tour » est
parfaitement révélatrice. Elle parle d’une tractation « dans le dos des
électeurs » et explique qu’elle est « la candidate de la
clarté et la candidate qui peut permettre aux Français de faire un choix clair ». Mais Michel Rocard est cohérent et
n’agit pas dans le dos de qui que ce soit, à partir du moment où il annonce
publiquement son choix avant que les électeurs ne se prononcent. Au moins assume-t-il
clairement ses convictions et son idéologie libérale. Dans son esprit, cette alliance
n’est pas celle des contraires. Ce n’est pas un simple vote anti-Sarkozy. C’est
au contraire un choix qui repose sur de véritables convictions. L’UDF, pour
Rocard, c’est « ceux qui sont les plus proches de nous. Ceux qui pensent comme nous que le marché
doit être régulé, que l'Etat doit défendre la solidarité, que l'égalité des
chances doit être assurée pour tous et entre toutes les générations. »
Et Rocard de poursuivre, dans la même logique : « rien d'essentiel ne sépare plus en France les sociaux-démocrates
et les démocrates-sociaux, c'est-à-dire les socialistes et les centristes. Sur
l'emploi, sur le logement, sur la dette, sur l'éducation, sur l'Europe, nos
priorités sont largement les leurs. Sur la société, sur la démocratie, sur les
femmes, sur l'intégration, sur la nation, nous partageons les mêmes valeurs ».
Evidemment, tous les cadres du PS
crient haro sur le baudet et martèlent : « Pas d’alliance avec la
droite ! » Les mêmes qui parlent de responsabiliser les chômeurs, d’alliance
avec la moitié du patronat, des méfaits des 35h ; ceux-là mêmes qui vantent
le modèle danois de flex-sécurité, qui veulent redonner aux français « le
goût du risque » et l’esprit d’entreprise, qui ne voient dans les conflits
sociaux qu’un manque de dialogue, qui veulent baisser les impôts des entreprises,
et qui refusent de revenir sur les baisses d’impôts accordées par la droite ;
ces mêmes qui trouvent que gagner 4000 euros par mois ce n’est pas être riche ;
ceux-là qui hier n’avaient rien à redire sur le traité constitutionnel européen
et qui demain reconnaissent qu’ils vont mener une politique économique dans la
droite ligne de celle que nous subissons depuis 20 ans ; tous ces élus donneurs
de leçon qui polluent allègrement 100 ans d’histoire socialiste avec des
discours de droite sont choqués du fait que Rocard mettent leurs idées en pratique ?
Qui aujourd’hui peut encore s’illusionner
et croire que le Parti socialiste ne court pas dans les bras de la droite ?
Cette alliance est écrite dans les gènes du discours de la candidate depuis des
semaines. En réalité, ce qui dérange le staff de campagne de Ségolène Royal, ce
n’est la position de Rocard sur le fond, c’est juste son timing. Faire une
telle déclaration avant le premier tour, ça risque de faire perdre des points
au Parti socialiste. Et le danger alors, c’est que l’alliance risque de se
faire dans l’autre sens si c’est Bayrou qui devance Royal au premier tour. Cela,
évidemment, leur est insupportable. Royal doit encore, pendant une grosse
semaine, garder les larges habits de la gauche. Ce n’est qu’au soir du premier
tour qu’elle pourra s’en défaire. Et tant pis pour la clarté ! Et tant
mieux pour le cynisme.
La stratégie est éventée. Le Monde nous apprend ainsi que « la candidate ne voulait pas s’avancer avant le 22 avril ». Plus loin, la journaliste précise : « En toute discrétion, la candidate avait en effet chargé l'un de ses plus proches amis et conseillers, l'avocat Jean-Pierre Mignard, un ancien des clubs Témoins et l'un des chantres de la rénovation de la gauche, de travailler avec Jean-Louis Bianco, son codirecteur de campagne, à un texte sur lequel elle pourrait s'appuyer pour parler aux électeurs de François Bayrou. Mais seulement le 22 avril au soir ». Nous voilà prévenu… et encore bravo à la candidate de la clarté !
Complément d'enquête: Royal vend la mèche dans le JDD
Dans l'interview qu'elle accorde au Journal du dimanche du 15 avril, Ségolène Royal ouvre la porte à un gouvernement PS-UDF. Elle commence par un appel du pied aux électeurs de François Bayrou: "Au soir du premier tour, nul ne sera propriétaire de ses électeurs et ne pourra en disposer à sa guise. Et c'est avec toutes celles et tous ceux qui se reconnaîtront dans la France présidente que se relèvera le pays"... Avant de conclure de manière beaucoup plus explicite: "le gouvernement sera représentatif de la diversité de la majorité présidentielle qui se rassemblera autour de moi entre les deux tours".