Où nous entraîne l’économie américaine ?
Pour relancer leur économie
après les attentats du 11 septembre, les Etats-Unis ont conduit une politique de
relance monétaire et ont massivement emprunté auprès du reste du monde. Cette
stratégie, risquée, pèse actuellement sur l’économie mondiale.
En 2003,
le déficit commercial américain allait afficher un montant historique de près de
500 milliards de dollars et le monde entier s’inquiétait. L’économie de la
première puissance mondiale devait trouver plus d’1 milliard de dollars chaque
jour auprès du reste du monde pour financer sa croissance et sa consommation.
Ces déficits considérables pesaient sur le dollar, d’autant que les taux
d’intérêts de la Federal Reserve (la rémunération du billet vert) étaient
historiquement bas.
Des taux d’intérêt faibles ont l’avantage
d’inciter les ménages et les entreprises à emprunter et permettent de relancer
l’investissement et la consommation, donc la croissance. Après les attentats du
11 septembre, les Etats-Unis avaient utilisé à fond la carte de la relance
monétaire et pendant 4 ans, les taux d’intérêt ont été voisins de l’inflation.
Conséquence : les ménages et les entreprises ont massivement emprunté, ce qui a
créé un véritable appel d’air dans le reste du monde qui s’est mis à financer
sans compter l’économie américaine.
Mais cette stratégie n’était pas
sans risque. Déficits et taux d’intérêts faibles ont tendance à faire chuter une
monnaie. Du coup, le dollar s’est effondré entre 2002 et 2004 et prêter au
consommateur américain devenait de plus en plus risqué pour des étrangers qui ne
voulaient pas être remboursés dans une monnaie faible. A partir de 2004, la
Federal Reserve fut donc contrainte de modifier sa politique et de faire
remonter progressivement les taux d’intérêt pour défendre sa monnaie. Ceux-ci
passèrent de 1% à plus de 5% aujourd’hui.
Une marge de manoeuvre étroite
En toute logique on aurait pu s’attendre à ce que, le crédit
devenant plus cher, la consommation et les déficits américains se réduisent. Or,
c’est exactement le contraire qui se produisit. D'après le Bureau d'analyse économique américain, les déficits continuèrent de se creuser : 635 milliards en 2004, 791 milliards en 2005, et on
est aujourd’hui sur un rythme de plus de 850 milliards de dollars par an (statistiques détaillées). Au
total, près 6,5% du PIB américain est intégralement financé par l’étranger
!
Bien qu’elle ait permis d’enrayer la chute de la monnaie américaine,
la stratégie d’augmentation des taux d’intérêt a donc échoué à réduire les
déficits. Il y a deux raisons à cela. La première c’est que l’augmentation des
prix du pétrole et des matières premières ont fortement pesé sur la balance
commerciale américaine. La seconde est plus problématique : les Etats-Unis
doivent en effet payer des intérêts à ces étrangers qui les financent, et ces
intérêts augmentent dangereusement au fur et à mesure que les taux s’élèvent.
Résultat : la balance des revenus américaine s’est dégradée de 25 milliards de
dollars en deux ans.
Cette situation crée un piège redoutable : d’une
part, les américains sont obligés d’augmenter les taux d’intérêts pour soutenir
leur devise. Cela leur permet de continuer d’emprunter à l’étranger et de
sauvegarder la pérennité de 6,5% de leur richesse. D’autre part, en augmentant
les taux d’intérêt, ils ralentissent leur croissance et dégradent leurs finances
puisqu’ils doivent payer des intérêts de plus en plus élevés, ce qui creuse
leurs déficits. La marge de manœuvre est donc devenue particulièrement
étroite.
Argent plus cher
Plus largement, l’état des finances
américaines a aussi des conséquences sur l’économie mondiale. En siphonnant plus
de 2 milliards par jour, les Etats-Unis assèchent le financement des autres
économies. Les pays en voie de développement non producteurs de pétrole sont
particulièrement touchés. Pour attirer des capitaux ils doivent augmenter les
taux d’intérêt à des niveaux considérables. En Turquie par exemple, ceux-ci
s’élèvent à 15%. Même en tenant compte de l’inflation, les taux d’intérêt réels
y sont supérieurs à 5%. L’Europe n’est pas épargnée. Alors que la croissance de
la zone euro reste faible, la BCE doit augmenter régulièrement ses taux pour
maintenir à un niveau raisonnable le différentiel avec la Fed.
Au final,
avec l’augmentation des prix du pétrole et le creusement des déficits
américains, l’économie mondiale est en train de sortir d’une période où l’argent
était particulièrement bon marché pour entrer dans une période où le capital
sera de plus en plus rare et donc cher. Ce n’est bon ni pour la croissance, ni
pour l’emploi, ni pour les revenus du travail. Avec en plus la menace d’une
crise financière grave si l’économie américaine ne parvient pas à se sortir de
ses déficits abyssaux ou si le dollar venait à s’effondrer.